1977-2022 : La saga des First

Avec plus de 25 000 bateaux construits depuis 1977, la marque First, qui fête ses 45 ans cette année, reste une référence de la course-croisière.

C’est d’abord l’histoire d’un visionnaire. En 1976, François Chalain, qui vient juste de rentrer chez Beneteau, propose à sa jeune présidente Annette Roux de racheter les moules d’Impensable, vainqueur de la Half Ton Cup. Le chantier vendéen a certes opéré son virage du bois au polyester dans les années 1970, mais il ne produit alors que des pêches-promenades. Annette Roux le reconnaîtra volontiers : “Personne ne nous attendait là…”

François Chalain réussit à la convaincre, et, avec l’architecte André Mauric, il modifie la quille d’Impensable, allonge le rouf en sifflet et le dote d’aménagements confortables. Le juste équilibre entre course et croisière vient d’être trouvé. 

“François avait la vision et surtout une exigence redoutable pour mettre tous les éléments d’un bateau en cohérence. Il a tracé la voie”,

se souvient Jean-François LAIR, directeur de la marque BENETEAU, quand il évoque le concepteur, disparu en 2007.

 

Baptisé First, le 30 pieds est présenté en 1977 au Salon Nautique de Paris. Il restera au catalogue du chantier cinq ans et sera produit à… 824 exemplaires ! 

Il sera surtout suivi par 70 modèles de First, de 14 à 53 pieds, le dernier en date étant le First 36, nouveau plan signé Samuel Manuard lancé cette année, en attendant le First 44 qui sera présenté en première mondiale au Festival de la plaisance de Cannes en septembre.

 

Un First peut en cacher un autre

Avec la déferlante du Class 8 à partir de 1982 puis les trois générations de Figaro (1990, 2003, 2019), la marque rime volontiers avec monotypie. Mais c’est oublier que le chantier a toujours été habile pour tirer le meilleur des jauges en vigueur. L’époque la plus féconde est sans doute celle de la jauge IOR dans les années 1980, passerelle permanente entre prototypes – les First Evolution – et bateaux de série.

Dans les années 2000, l’arrivée de l’IMS et surtout de l’IRC donne naissance à quelques bateaux de série spécialement réussis qui peuvent rivaliser avec les meilleurs protos. C’est ainsi que First National, un First 40.7, gagne, toutes classes confondues, la Sydney Hobart en 2003 ou que Gery Trentesaux s’adjuge le Fastnet (en IRC 0) à la barre de son First 44.7 Courrier du Coeur en 2007. Si Beneteau, premier constructeur mondial de voiliers de plaisance, a su tirer profit de la force de son réseau international, toute l’histoire des First a été un va-et-vient entre industrie et artisanat.

A l’heure où les volumes de vente de voiliers de course-croisière ont diminué, le chantier a fait le choix de productions calibrées.

 “En 2015, Madame Roux a voulu relancer la gamme First, raconte Jean-François LAIR. Nous avons intégré Seascape en 2018 et sa gamme de sportboats qui a été un accélérateur. C’est d’ailleurs chez eux en Slovénie que nous produisons le First 36. Et pour le First 44, nous avons renoué avec un atelier dédié au Poiré-sur-Vie (Vendée). C’est la bonne méthode, et l’expérience du First 36 montre que le marché est largement au rendez-vous !”

 

Le temps béni de l’IOR 

Fort du succès du First 30 lancé en 1977, Beneteau a constitué en moins de trois ans une gamme de six First de 18 à 35 pieds. Le chantier tourne à plein avec plus de 1 000 unités produites en 1980 et se retrouve leader d’une plaisance en pleine explosion ! Rentré chez Beneteau en 1982 chez BENETEAU, Bertrand d’Enquin constate qu’Annette Roux, la présidente du groupe, et François Chalain, initiateur de la gamme First, “ne se reposent pas sur leurs lauriers : ils comprennent que pour pérenniser ce succès industriel, il faut dépasser les frontières hexagonales et gagner des courses à forte renommée.'”

Pour ses futures grandes unités, le chantier fait appel à l’Argentin German Frers, architecte des tutélaires Swan, qui dessine les iconiques First 42 et 456. Côté course, ils se tournent en 1979 vers Jean Berret, qui vient de signer le très bon First 35, pour plancher sur un half tonner de petite série. Le Rochelais s’est taillé une belle réputation en régate avec ses protos baptisés à coups de calembours (Alonzo BistroCrac Boum Ut…), construit chez Hervé, à La Rochelle, puis dans le chantier de son frère, Technicoque. 13 unités du First 30 Evolution sont produites pour courir les championnats IOR (International Offshore Rule, ancienne jauge de course, créée à la fin des années 60).

Ils sont construits dans un atelier aménagé par Beneteau à Saint-Hilaire-de-Riez, à côté de la menuiserie. “Déjà à l’époque, on travaillait sous vide. L’équipe était réduite, une dizaine de gars, les meilleurs en général. Les bateaux étaient construits à l’envers, sur mannequin ou sur moule mâle”, se souvient Jean-Michel Crochet, alors préparateur des First.

Un Rubis de légende

 Aux côtés de François Chalain, on trouve Eric Ingouf, habitué des Ton Cup, qui travaille beaucoup sur les plans de pont et le respect des formes torturées des IOR. La jauge multiplie en effet les points de mesure à certains endroits de la coque. Autour d’une enveloppe idéale, l’architecte crée donc des bosses pour contenir le rating.

C’est aussi pour ça que nous faisions appel à une équipe spéciale de peintres, venus des pays de l’Est, qui étaient très performants dans le carrossage des coques pour ne pas dénaturer la forme et les mesures”, poursuit Jean-Michel Crochet.

Le succès est au rendez-vous puisque First Lady, baptisé ainsi en l’honneur d’Annette Roux, prend la deuxième place de la Half Ton Cup 1980.

L’année suivante est la bonne : le légendaire Paul Elvstrøm, quadruple champion olympique danois, s’empare du trophée sur King One, un autre First Evolution. Les victoires du bateau donnent la légitimité au chantier pour lancer le First 30 E (sur une autre carène), dont 420 exemplaires sortent des chaînes de production en trois ans !

Même tremplin trois ans plus tard avec les one tonner. Pour la première fois, Beneteau fait travailler ensemble la fine fleur de l’architecture française. La petite série de First 40 Evolution est signée Berret-Fauroux-Finot. Les protos se nomment Phoenix (Harold Cudmore), Fair Lady (Eric Duchemin) ou Coyote (Bruno Troublé) et trustent les podiums en Manche et outre-Atlantique. Ils donneront naissance à la belle série du First 405, plus de 200 bateaux construits pour ce qui représente à l’époque une grande unité.

L’apogée de cette décennie IOR reste la construction de Rubis en 1989. Ce two tonner armé par l’horloger Corum est le fruit de la collaboration entre Philippe Briand, Philippe Pallu de la Barrière et Luc Gellusseau, qui ont déjà œuvré sur French Kiss sur la Coupe de l’America 1987. Plan de pont innovant avec deux roufs latéraux servant d’avaleurs de spi, piano central, sanglage des équipiers à l’intérieur sur des bancs de rappel pour les courses offshore, le bateau est un concentré de nouveautés. Aux côtés de Corum Saphir et Corum Diamant, il remporte l’Admiral’s Cup 1991, véritable championnat du monde de course au large à l’époque.

 

La déferlante First Class 8

 

Comment faire un bateau qui soit à la fois beau, confortable, gagne des régates et produit au juste prix ? Telle est la quadrature du cercle à laquelle sont confrontées en permanence les têtes pensantes de Beneteau, Annette Roux présidente, François Chalain, directeur général, et son bras droit, Eric Ingouf. 

“Il faut bien voir qu’à l’époque, il n’y avait pas encore d’Océanis, le marché n’était pas segmenté. Un First, c’était donc un bateau qui devait savoir tout faire, explique Jean-François LAIR, aujourd’hui directeur de la marque BENETEAU.

Les protos IOR sont prestigieux, mais leur raffinement coûte de plus en plus cher et Annette Roux ne cesse de répéter à ses équipes qu’“un Beneteau doit toujours avoir un bon rapport qualité-prix.” Le First Class a été une façon brillante de s’extraire d’un compromis de plus en plus difficile à tenir“, raconte Jean-François LAIR. Exit le bois à l’intérieur, les vaigrages et autres parements lourds et chers. Exit l’IOR et ses carènes bosselées. Place à la simplicité, et à la glisse, déjà.

 

Une double paternité

 Mais qui pour dessiner ce nouveau monotype ? Sur le First Class 8, comme quelques années plus tard pour le Figaro 1, deux têtes pensantes valent mieux qu’une et le monotype sorti en 1982 porte une double paternité : Jean-Marie Finot et Jacques Fauroux. Le premier s’est fait remarquer avec le one tonner Révolution pour son goût des arrières callipyges. Le second est champion du monde de quarter tonner…

Ils accouchent d’un monotype bas sur l’eau, à la carène très fluide, marchant vite à toutes les allures avec un gréement fractionné et une belle surface de toile. Le bateau reprend aussi le système de quille relevable inventé par Finot et Beneteau sur le First 22 en 1978. Le Class 8 pèse 1,3 tonne mais se révèle beaucoup plus facile à transporter sur route qu’un Surprise, le grand concurrent à l’époque. Sa largeur de 2,50 m lui garantit le gabarit routier, contrairement au J24, monotype international qui ne s’est jamais vraiment imposé en France. Et tant pis si le rail de fargue cisaille les cuisses de générations d’équipiers, si le safran non compensé, articulé sur une poutre en aluminium, produit une barre bien lourde, le Class 8 devient rapidement un phénomène de société.

“Il y avait un besoin des clubs, mais aussi la force du réseau Beneteau, déjà bien implanté à l’international, se souvient Bertrand d’Enquinresponsable de la clientèle américaine. Tous les agents dans le monde en ont acheté deux ou trois, parfois des petites flottes.” 

Résultat : en moins de deux ans, le bateau est produit à plus de 300 exemplaires, “plus que le nombre de prototypes de quarter tonner jamais construits”, constate Jean-Marie Finot.

 

Le gotha de la régate

 Une association de classe est rapidement créée, un partenaire trouvé avec l’organisme de financement CG Mer, et un circuit de championnats organisé. “On emmenait les flottes par camion sur les lieux de régate, des fournées de 30 bateaux à la fois, se souvient le préparateur Jean-Michel Crochet. Souvent, je me coltinais tout seul la préparation, mais ça restait hyper simple et en une journée, les bateaux pouvaient régater.”

Un peu chiche en accastillage à sa sortie, le Class 8 invite les équipages à la bidouille et le chantier reprend en série l’idée du piano central qui coiffe la descente et permet de gérer les manœuvres sans quitter le rappel. Innovant par sa simplicité à sa sortie, le Class 8 reste dans le coup plus de dix ans et attire le gotha de la régate. Les coureurs en herbe en sont souvent pour leurs frais et laissent les podiums aux Bertand Pacé, Pierre Mas, Franck Cammas, Bernard Mallaret, Philippe Presti, Bruno Jourdren ou encore Vincent Riou.

“J’ai vu des championnats où plus de 80 bateaux s’alignaient au départ. Ça arrivait de partout en Europe et le niveau était très élevé, se souvient Bertrand d’Enquin. Le sommet est atteint en 1992 au Cap d’Agde avec plus de 100 Class 8 ! Peu importe si le monotype ne devient pas série internationale (il eut fallu qu’il soit construit sous licence à l’étranger). En 1993, le First Class 8 cesse d’être produit. 965 exemplaires ont été réalisés. Le premier monotype Beneteau a donné naissance à une petite famille avec les Class 7, Class 10 et Class 12 et Class Europe, certes moins diffusés, et a préparé le chantier à la suite…

 

“S5” et “.7”, des First de légende

Au mitan des années 1980, Beneteau comprend qu’il faut segmenter son offre. François Chalain, encore lui, lance avec l’architecte Philippe Briand le premier Océanis 350 en 1986, croiseur assumé d’un nouveau genre. Les First s’en trouvent libérés mais il faut les repositionner, les rendre plus radicaux.

Beneteau se met en quête d’un designer intérieur. François Chalain questionne le frère de Philippe Starck, journaliste à France 3, rencontré fortuitement lors d’un reportage de ce dernier au chantier : “Je doute que votre frère ait le temps de s’occuper de nos histoires de bateaux ?” “Détrompez-vous, Philippe est fou de voile et beaucoup plus accessible que vous ne le croyez…”

35s5 : l’arme du design

La rencontre avec la star internationale du design est vite organisée et accouche d’un des bateaux les plus disruptifs de l’histoire de la plaisance, le First 35s5. Jean Berret, qui signe la carène, se souvient : Beneteau a pris un vrai risque car ce que dessinait Starck coûtait plus cher et remettait en question les habitudes du chantier. Il a apporté son style et ses idées et je me débrouillais pour rendre tout ça réalisable.”

Barre carbone, hublots en prise sur l’angle du roof avec main courante intégrée, intérieur acajou brillant, sellerie blanche, pied de table en aluminium forgé brossé… autant dire que le First 35s5 ne passe pas inaperçu et bouscule la clientèle habituée au classicisme. “Quand il est sorti au Salon nautique en 1987, on ne parlait que de ça. On criait au fou ! se souvient Jean-François LAIR, directeur actuel de la marque BENETEAU. C’était la première fois qu’un designer extérieur au milieu de la plaisance apportait sa patte à un bateau.”

Malgré une carrière commerciale assez courte de quatre ans, les chiffres de vente sont corrects. Surtout, le look est décliné sur une gamme qui s’étendra de 32 à 53 pieds, signe que la plaisance évolue et monte en gamme.

 

La polyvalence du 31.7

Dix ans plus tard, les s5 puis s7 sont remplacés par une nouvelle série. Pour le benjamin de la nouvelle gamme, Beneteau conserve sa confiance à Jean-Marie Finot et Pascal Conq, qui dessinent le First 31.7 – peut-être le plus réussi de tous”, selon Jean-Michel Crochet, préparateur à l’époque de tous les First. “Le 31.7, c’était la carène du Figaro 1, un intérieur bien fichu, la polyvalence. Un bateau hyper facile et accessible à tous. Certains clients n’ont jamais voulu en changer !”

Peu importe si le 31.7 n’est pas très optimisé pour l’IRC et ne remporte jamais le Spi Ouest-France “même quand il y en avait 30 engagés en IRC4 face au légendaire half tonner Britanny Drizzle, souligne Christophe Cantin, actuel président de l’association de propriétaires. Près de 1 200 exemplaires de ce bateau sans défaut sortiront des chaînes, le 30 pieds de course-croisière le plus diffusé de l’histoire !

Le 31.7 continue à écumer les plans d’eau de régate – ils étaient encore 16 à courir le dernier Spi Ouest-France en monotypie cette année – et séduit toujours des propriétaires exigeants, à l’image de Jean-Yves Le Déroff ou Philippe Delhumeau.

 

Le 40.7 séduit la Chine

En parallèle du “petit” 31.7, sort le 40.7 qui, lui aussi, connaît une très belle carrière, avec près de 700 exemplaires vendus. Ce plan signé Bruce Farr d’une élégance intemporelle gagne tout dès sa sortie (Commodore’s Cup et Copa del Rey en 1997) et se hisse au sommet du classement overall de la Sydney Hobart en 2003.

Lorsqu’en 2007, la province de Shenzhen créée la China Cup pour concurrencer Qindgao qui s’est vu attribuer les Jeux Olympiques de 2008, Beneteau produit une flotte de 10 bateaux, puis, suite au succès de la formule, 20 autres l’année suivante. Le 40.7 devient le monotype de l’Empire du Milieu. Aussi novices en course au large qu’ambitieux, “les Chinois voulaient créer un événement pour supplanter l’America’s Cup !” explique Yves Mandin, qui s’occupe de l’opération pour Beneteau. Et de poursuivre : “On leur avait quand même dit que ce serait un peu long ! Mais il n’en reste pas moins que toutes les China Cup disputées depuis 2007 ont été de très beaux événements, de belle tenue sportive, et remportés par des skippers prestigieux.”

 

Un Figaro peut en cacher un autre 

A la fin des années 1980, la Solitaire du Figaro se court encore sur des half tonners, devenus des bijoux de technologie, mais dont le coût exorbitant nuit à l’égalité des chances des concurrents. Le directeur de course Michel Malinovsky, qui a disputé la course de l’Aurore (l’ancien nom de la Solitaire) sur un First 30, et Jean-Michel Barrault, cofondateur de la course en 1970, se rapprochent de Beneteau pour imaginer un monotype libre de toute jauge.

Le binôme Finot-Berret sort alors le First Class Figaro Solo et c’est Laurent Cordelle qui, en 1990, remporte la première Solitaire à son bord, suivi d’Yves Parlier, puis, en 1992, de Michel Desjoyeaux qui raconte : 

“En 1989, j’avais gagné la formule de sélection Skipper Elf et hérité du dernier half tonner qui était une véritable McLaren. Trois mois après, la course est passée monotype et j’ai rendu le half ! J’ai gagné au change un bateau qui pouvait faire du large, nettement plus marin avec un premier gréement 7/8e à bastaques un peu casse-gueule mais que j’aimais bien.”

Le bateau est bien né, en effet, mais le mât un peu faible est remplacé par un profil 9/10 sans bastaques en 1993, ce qui règle la question. Le chantier veille au grain et chaque été, entre 1990 et 1996, le First 53 F5 mené par Eric Ingouf et Jean-Michel Crochet s’occupe de l’assistance de la course en même temps que du service après-vente. “C’étaient des épopées formidables. Le carré était souvent plein, on était au cœur de la régate”, se souvient Jean-Michel.

 

Une carène moulée plus de 2 000 fois !

Celui qu’on appelle désormais le Figaro Solo conquiert son marché très captif avec 61 exemplaires produits. Mais la carrière de cette carène bien née ne s’arrête pas là. Déclinée sur le Figaro Challenge (sans ballasts), sur lequel se court le Défi des Ports de pêche, sur le First 310, sur plusieurs Océanis et surtout sur le First 31.7, elle a été moulée… plus de 2 000 fois dans les ateliers de Beneteau, sans forcément que les propriétaires sachent qu’ils emportent un petit bout de Figaro avec eux !

Au début des années 2000, le plan Finot-Berret ayant pris un coup de vieux, le chantier réfléchit à un nouveau dessin. Finot reste une valeur sûre, mais le choix du comité de sélection de la classe dirigé par Gildas Morvan, se porte sur le cabinet Lombard, qui a montré en Imoca qu’il fallait compter sur lui. Et c’est ainsi que naît en 2003, le Figaro Beneteau, deuxième du nom, qui gagne un mètre dans l’histoire. Pascal Bidégorry joue le rôle de metteur au point de ce monotype élégant qui franchit un cap sur le plan technique : coque sandwich infusée, remplissage électrique des ballasts, mât carbone.

Surtout, le Figaro Beneteau 2 se montre beaucoup plus stable de route que son prédécesseur. Les skippers peuvent aller dormir sous spi, le bateau n’enfourne quasiment plus : “Le Figaro 2 a capitalisé sur les acquis de la monotypie du Figaro 1. Tout s’est professionnalisé pour une formule qui tient toujours la route aujourd’hui”se rappelle Michel Desjoyeaux, membre du club fermé des triples vainqueurs de la Solitaire.

 

Le Figaro 3 “ouvre le jeu”

Avec le Figaro 2, le circuit prend une nouvelle dimension. Les centres d’entraînement forment des cohortes de skippers qui font du Figaro leur métier, investissent dans leur outil de travail, amorti sur quatre ou cinq ans. A raison de 250 jours de navigation par saison, le loch d’un Figaro engloutit chaque année 12 à 14000 milles. Lorsqu’en 2019, le Figaro 3 entre en scène, certains Figaro 2 ont l’équivalent de sept tours du monde à leur actif ! Ce qui n’empêche pas qu’on se les arrache encore aujourd’hui sur le marché de l’occasion.

En 2017, le concours lancé par la classe Figaro et le chantier pour reprendre le flambeau est remporté par VPLP. Le Figaro Beneteau 3 est construit dans un atelier dédié à Nantes, dans les anciens locaux de Jeanneau Techniques Avancées. Les foils font leur apparition, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes de mise au point la première année. 80 exemplaires sont construits en à peine deux ans.

Plus court, beaucoup plus sportif et plus moderne, notamment via son plan de voilure, le Figaro 3 a “ouvert le jeu”, rendant les options autrefois aléatoires potentiellement payantes et a redonné ses lettres de noblesse à la stratégie. Il permettra encore cette année au départ de Nantes, ce dimanche 21 août, à 34 hommes et femmes de tenter de conquérir le Graal de la course en solitaire à armes égales, la Solitaire du Figaro.

Et depuis 2020, le trophée remis par Beneteau pour récompenser le premier bizuth de la course porte le nom d’Eric Ingouf, l’homme qui, chez le constructeur vendéen, a assuré le développement des trois générations de Figaro Beneteau.

 

De 14 à 53 pieds, renaissance d’une gamme

Au milieu des années 2010, les First perdent un peu de leur pouvoir d’attraction. Le marché fait la part belle aux croiseurs et aux catamarans et les First tombent à moins de 10% des recettes du chantier. Le marché du bateau a connu la même bascule que celui de la voiture, explique Jean-François LAIR, directeur actuel de la marque Beneteau. Dans les années 1980, tout le monde voulait des GTI. Puis, ce sont les breaks, les 4×4 et les SUV qui ont pris le pas.”

Après le boom des années 2000, la crise de 2008 rebat les cartes. Le marché de la course-croisière voit arriver des petites séries de voiliers très spécialisés autour de la jauge IRC, contre lesquels il est de plus en plus difficile de lutter. François Chalain, l’âme des First, disparaît en 2007 et l’échec du First 30 sur plans Kouyoumdjian, lancé en 2010, aurait pu clôturer un des plus beaux chapitres de l’histoire de la plaisance.

“Je veux revoir une gamme First ! Tel est pourtant le message très explicite qu’adresse Annette Roux à Gianguido Girotti, le nouveau responsable produits qu’elle nomme en 2015.

Retour aux sources

“Pour relancer une gamme complète, le marché n’était pas assez important pour notre outil industriel, explique Jean-François LAIRLa bonne décision a été de racheter Seascape en 2017 et de l’intégrer à l’offre Beneteau.” Le petit constructeur slovène s’est fait un nom en quelques années avec ses sport boats de 14 à 27 pieds, dessinés par Samuel Manuard. Les bateaux sont rebadgés First et bénéficient de la force du réseau, ce qui relance la marque et laisse le temps d’élaborer un véritable plan produit dans les grandes tailles.

En 2019, sort le First Yacht 53, signé des architectes italiens Roberto Biscontini et Lorenzo Argento, véritable rupture avec les bateaux de régate du marché.

“Le First 53, c’est “l’effet whaou !”, un bateau qui fait rêver, analyse Yves Mandin, directeur du service Premium BENETEAU depuis 30 ans. On a retrouvé l’ADN des First des années 1990, c’est-à-dire des bateaux qui répondent aux attentes d’une clientèle exigeante. Sur les 35 livrés, une dizaine régate assez activement, principalement en Méditerranée, les autres sont plus dans l’esprit yachting.”

First 36 : le trait d’union

Manque un trait d’union entre les petits First et l’amiral de 53 pieds. C’est pourquoi Beneteau démarre en 2019 l’étude d’un 36 pieds avec Sam Manuard. Moderne par ses lignes, relativement léger et planant, habitable mais aménagé de manière sobre, le First 36 renoue avec les unités les plus équilibrées de l’histoire du chantier.

Développé conjointement avec Seascape en Slovénie, où il est construit, il utilise des solutions techniques qui ne seraient pas imaginables sur de grandes chaînes de fabrication : cloisons sandwich, infusion, greffage de la structure avec reprises de stratification… ce 36 pieds est construit comme un voilier de course à part entière, mais sa polyvalence en fait un objet très attractif. Et le marché ne s’y est pas trompé puisqu’après six mois d’existence commerciale, deux ans de commandes ont déjà été passés !

Pour le First 44, qui sera lancé en première mondiale en septembre au Cannes Yachting Festival (6-11 septembre), la logique qui a guidé le chantier est identique : signé du même duo architectural que le 53 pieds, il sera construit dans une usine dédiée au Poiré-sur-Vie, en Vendée, par une petite équipe d’une vingtaine de personnes.

Bateau de croisière rapide plus que machine de régate, il est décliné en plusieurs versions de plans de pont et de gréement pour s’adapter à des programmes multiples. En option, les propriétaires peuvent choisir des ballasts qui permettent de s’affranchir du nombre d’équipiers au rappel. Nous visons une trentaine de bateaux par an. 45 pieds, c’est la taille reine de ce marché que nous avons trop longtemps délaissé et l’attente est forte , conclut Jean-François LAIR.

45 ans après, la saga des First continue.

Publié le 02.11.2022